Maxence Mirabeau est le fondateur de Forintex une plate-forme destinée au secteur de la construction et qui vise à associer entreprises et compétences des indépendants pour les marchés internationaux. Il le sait, et le dit « les entreprises ont des difficultés à faire bouger leurs ingénieurs et ont donc des problèmes pour trouver des compétences à l'export ». Entretien avec un ingénieur pour qui l’ubérisation est en marche et qui met les algorithmes au service des entreprises.
On commence à entendre le terme « uberisation » de l’ingénierie, vous qui êtes au carrefour des nouvelles technologies et de ce métier, qu’en pensez-vous ?
Il faut savoir qu’à peu près 100 000 ingénieurs pratiquent leur expertise comme indépendant. Cette population augmente de presque 10% par an et les milleniales veulent de l’autonomie. On commence donc à voir ces freelances qui proposent leurs prestations à des maîtres d’ouvrages. Le meilleur exemple, c’est l’OPC. Plus besoin de passer par un bureau d’étude pour avoir une prestation de ce type. De plus en plus d’expertises spécifiques pourront se faire de la sorte. Nous, chez ForInteX, notre vision est que cette ressource sera une composante de l’ensemble des ressources d’une entreprise. Il faut juste organiser une mise en relation pertinente, rapide et efficace entre ces indépendants et les entreprises. Nous avons mis en ligne la plateforme FIX (www.forintex.fr) pour ça et nous cherchons des fonds pour aller plus loin.
Que restera-t-il au BE alors ?
L’assemblage de ces savoirs pour livrer des tâches complexes. Aujourd’hui un tramway n’est pas que un sujet transport, c’est aussi un problème d’énergie donc d’environnement qui doit s’intégrer dans une citée de plus en plus connectée et intelligente. L’avenir des BE est passionnant reste qu’il faudra savoir se détacher de certaines tâches pour lesquelles ils n’ont plus la structure de coût adaptée.
Comment le métier va-t-il évoluer avec l’IA et les autres technologies émergentes ?
Le métier va considérablement évolué et il est étonnant que les ingénieries françaises ne se saisissent pas plus de cette opportunité. Le BIM est un peu l’arbre qui cache la forêt. L’IA, très vite, permettra de calculer, concevoir et lancer les appels d’offres pour des « objets» simples comme des parkings ouverts, du VRD, du réseau, etc. Qui développera ces plateformes ? Quel business model pour les rendre accessibles ? Ces questions ne sont pas abordées pour le moment…
Le BIM, couplé à de l’imprimante 3D, de l’IA voire même du big data accélérera les phases de conception et aidera beaucoup les constructeurs sur des sujets complexes. La blockchain a un potentiel énorme dans la gestion de grand projet dès lors qu’il y a beaucoup de transaction entre beaucoup d’intervenant.
Enfin, sur l’humain, les plateformes collaboratives augmenteront l’intelligence et l’agilité en permettant de mieux travailler horizontalement dans l’entreprise. C’est le sujet que nous adressons chez ForInteX.
Pourquoi ce retard à l’allumage alors ?
Le constat, c’est que les leaders de l’ingénierie & la construction sont en retard dans l’approche du digital et ont du mal à « héberger » des startups. Peut-être parce qu’ils pensent qu’ils peuvent tout faire en interne. Mais comme 75% des actifs seront digitales natives en 2025, il n’y aura plus le choix.
Il va falloir passer d’une gestion cloisonnée du savoir à une gestion ouverte, innovante, inclusive et multi-sectorielle. L’urbanisation accélérée, le crash écologique, le défi énergétique, l’émergence de l’Afrique sont des sujets qui me poussent à conseiller à des jeunes d’être ingénieur. Ces défis sont passionnants et maintenant vitaux.